Colline aux coquelicots (la) - SAYAMA Tetsuro

• Auteur(s) : SAYAMA Tetsuro
• Editeur : Delcourt
• Saga : Colline aux coquelicots (la)
• Collection : Fumetsu
• Langue : Français
• Parution : 11/01/2012
• Nombre de pages : 320
• Nombre de livres : 1
• Expédition : 315
• Dimensions : 18 x 12.9 x 2.8

Résumé :
Umi a seize ans et fréquente le lycée Kônan. Son père, marin, n'est pas rentré à la maison depuis que son bateau a disparu en mer. Umi croit encore qu'un jour, il reviendra, et c'est pour cela qu'elle garde impeccable la maison familiale sur la Colline aux Coquelicots. Souvent à l'étranger, sa mère photographe la laisse se débrouiller avec sa jeune soeur, son petit frère, et les étudiants à qui elle loue des chambres pour joindre les deux bouts. Malgré ce contexte familial déjà bien difficile, Umi doit de plus faire face aux bouleversements qui sont en train de naître au lycée. Entre révoltes et débats de société lancés par le club de journalisme, mais aussi et surtout sa vie sentimentale, comment Umi pourra-t-elle trouver son équilibre ?

Critique:
Tandis que la Colline aux coquelicots, le nouveau film du studio Ghibli, sort au cinéma, les éditions Akata/Delcourt nous invitent à découvrir le manga éponyme qui l'a inspiré, Kokurikozaka Kara de son nom original, shôjo du tout début des années 80 dessiné par Chizuru Takahashi sur une histoire de Tetsuro Sayama.

Ce pavé de plus de 300 pages nous fait suivre la vie lycéenne d'Umi, 16 ans, élève de première au lycée Kônan, fort caractère au coeur tendre, malgré tout hantée par la disparition d'un père marin dont elle refuse inlassablement la mort, hissant alors jour après jour les drapeaux signifiant sa présence sur la colline aux coquelicots, et entretenant, sans rechigner à la tâche et en attendant le retour de sa mère partie en voyage, la grande demeure où logent toute sa famille ainsi que Hokuto, jeune étudiant pour lequel elle semble vouer un amour secret. Un contexte peu évident à gérer, mais Umi sait faire preuve de ténacité.
En plus de cela, viennent s'ajouter les tumultes du lycée, où se lève petit à petit une révolte contre les uniformes lancée par le club de journalisme, dont fait partie un jeune homme du nom de Shun Kazama.
Entre ses douleurs familiales et la révolte grandissante au lycée, la jeune Umi doit évoluer, se faire une place, trouver l'équilibre entre la famille, la vie sociale du lycée, et la naissance de ses sentiments pour...

Rapidement, un constat s'impose : la Colline aux coquelicots est réellement ce que l'on peut appeler un shôjo mâture, dans le bon sens du terme (comprendre par-là, à des années-lumière des "shôjo de pouffes" inondant de plus en plus le marché). L'oeuvre, sans insister de manière exagérée dessus, aborde des sujets graves pouvant faire le quotidien de notre réalité : souvenir toujours présent d'un père disparu il y a longtemps, révoltes estudiantines, "mauvaises" fréquentations de certains élèves, voire même, beaucoup plus loin, amour sincère mais interdit.

En premier lieu, la découverte du personnage d'Umi est un délice. Au fil du contexte difficile et des épreuves qui se présentent, on découvre une héroïne forte, courageuse, caractérielle, tenace, qui ne se laisse pas faire. Un beau portrait de jeune femme, qui cache toutefois une grande sensibilité, que l'on pourra voir à de nombreuses reprises, et de manière de plus en plus prononcée au fur et à mesure de l'avancée de l'histoire. La plongée au coeur du quotidien de cette jeune héroïne sonne vrai, et est rendu d'autant plus immersif par ses interactions avec les autres. Voici bien là un point important : les interactions d'Umi avec son entourage, qui vont la pousser à agir de telle ou telle manière, à essayer de se faire discrète quand sa petite soeur, Sora, tombe amoureuse, à participer activement à la révolte lycéenne, ou à remettre en question la nature de ses sentiments pour Hokuto. La mécanique est bien huilée, et chaque avancée se ressent réellement. C'est bel et bien via la lutte lycéenne que notre héroïne va apprendre à connaître le dénommé Shun Kazama, sur lequel elle a d'abord un avis négatif, puis dont elle va se rapprocher encore bien plus que ce qu'elle aurait pu imaginer. A partir de là, c'est, doucement mais sûrement, sa façon de considérer Hokuto qu'elle remet en cause, puis, par la force des choses, c'est le passé de son père disparu qui la rattrape. Les liens sont habilement construits.

Quoi qu'il en soit, il faut toutefois savoir que certains thème mâtures, comme la révolte lycéenne, finissent par disparaître petit à petit au fil des pages, pour laisser une place plus importante, comme dans beaucoup de shôjo, aux sentiments. la Colline aux coquelicots n'échappe donc pas à cette règle, mais ne perd jamais son équilibre entre la vie amoureuse et le contexte familial difficile de notre héroïne, ces deux points finissant par se rejoindre de très près, dans une dernière partie qui aborde elle aussi un thème intéressant, même si de manière assez expéditive.

Visuellement, difficile de cacher que l'oeuvre pourra rebuter au premier abord. On découvre un coup de crayon assez typique de l'époque, un trait fin, des visages simples comportant toutefois un gros travail sur les yeux, des décors présentes seulement quand c'est nécessaire. Il faudra probablement un certain temps aux plus réticents pour s'habituer, d'autant que certaines mimiques un peu caricaturales, heureusement peu nombreuses, ne sont pas convaincantes. C'est au fil de la lecture que ce coup de crayon dévoile ses qualités, montrant beaucoup d'expressivité sans en faire trop, sachant mettre en avant le charme de ses protagonistes, collant fort bien au fond lycéen, sentimental et doux-amer. On retrouve également des symboles devenus en quelque sorte des classiques du genre, comme les cheveux que l'on coupe en signe de nouveau départ dans la vie.

Au final, voici assurément une belle oeuvre, qui change de ce que l'on peut voir dans le paysage shôjo, en nous amenant un bel exemple de ce que le manga pour filles pouvait offrir à l'époque. On finit par se laisser absorber, puis par dévorer le volume d'une traite. La Colline aux coquelicots, c'est un savant mélange de thèmes mâtures, au service de l'évolution sociale et sentimentale d'une héroïne forte et attachante, dans un Japon qui était alors encore en mutation. Une belle oeuvre, indispensable pour les amoureux du film de Ghibli, à lire pour les amateurs de belles histoires et d'oeuvres intelligentes, à découvrir pour les curieux qui souhaiteraient tester du shôjo vintage sans se ruiner.

Sur ce dernier point, on ne peut que remercier Akata/Delcourt, en plus de nous offrir du vieux shôjo (encore bien trop rare en France), de nous le proposer en une intégrale à prix correct : les curieux n'ont aucune raison de ne pas craquer. Hormis des fautes de frappe somme toute très rares, l'édition est très satisfaisante. L'impression est de qualité, la traduction colle bien au contenu, les quelques clés de compréhension sont toujours un plus non négligeable.
Koiwai

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